- ÉGYPTE DEPUIS L’ISLAM - La mise en valeur du pays
- ÉGYPTE DEPUIS L’ISLAM - La mise en valeur du paysL’Égypte, désignée parfois encore sous le nom de République arabe unie (R.A.U.) à la suite de sa brève union avec la Syrie (févr. 1958-sept. 1961) s’étend sur 1 001 500 kilomètres carrés et compte 54 500 000 habitants en 1991. Ses limites terrestres sont géométriques à l’ouest (méridien du 25e degré de longitude E.) et au sud (à peu près confondues avec le 22e parallèle), sauf au sud-est. Le canal de Suez, au nord-est, ouvert à la navigation depuis 1869, à la suite des travaux du Français Ferdinand de Lesseps, sépare l’Afrique de l’Asie: la péninsule du Sinaï, qui était depuis la guerre de Six Jours, en juin 1967, aux mains des Israéliens, a été rendue à l’Égypte.1. Le milieu physiqueLa phrase fameuse d’Hérodote: «L’Égypte est un don du Nil», n’a jamais été plus vraie que de nos jours. La vallée du fleuve, avec son delta, dont la verdure se découpe avec netteté parmi les sables et les plateaux rocheux désertiques, est le grand axe de la vie: elle n’occupe que 3 p. 100 du territoire mais abrite la quasi-totalité de la population avec des densités supérieures à 600 habitants au kilomètre carré.Le climat désertique influence l’ensemble du pays. Même la proximité de la mer ne se marque que par des précipitations peu abondantes et décroissantes d’ouest en est (Alexandrie, 240 mm; Port-Saïd, 80 mm). Dès qu’on s’enfonce dans l’intérieur, les pluies se raréfient (Gizèh, moins de 30 mm; Assout, 2 mm). Dans ce désert, où les pluies régulières sont à peu près inconnues, un orage violent se produit tous les dix ou vingt ans, déversant brutalement de 30 à 50 mm de pluie en vingt-quatre heures et provoquant, au sens littéral du terme, la dissolution des maisons de fellahs construites en briques crues séchées au soleil. La chaleur est forte surtout en été (Alexandrie, moyenne d’août: 26 0C) et s’élève à mesure qu’on s’éloigne de la mer (41 0C à Ouadi Halfa). Mais l’hiver est marqué, avec une amplitude vigoureuse, dans l’intérieur où la continentalité du climat abaisse fortement les températures (Ouadi Halfa, moyenne de janvier: 7,5 0C) et où la sécheresse de l’air contribue encore à accentuer l’opposition entre la chaleur du jour ensoleillé et le froid de la nuit qui enregistre des températures proches de 0 0C. Au voisinage de la Méditerranée, les variations sont tempérées près du littoral (Alexandrie, moyenne de janvier: 13,4 0C).À l’ouest de la vallée du Nil s’étendent les plateaux du désert libyen, uniformes et peu élevés, qui prolongent ceux du Soudan. Généralement constitués par de grandes dalles rocheuses (hamadas) dont les rebords forment des escarpements qui atteignent jusqu’à 1 934 m au djebel Ouenat, ils sont entaillés par des vallées d’oueds maintenant asséchés, et souvent couverts de champs de dunes (ergs). Ces plateaux, tour à tour constitués par des calcaires dorés et des grès brun sombre, sont fracturés par une série de dépressions allongées du sud-est au nord-ouest où se trouvent plusieurs oasis (Kharga, + 60 m; Farafra, + 76 m; Siouah, 漣 16 m); avant d’atteindre la côte, ils s’ouvrent sur la grande dépression intérieure de Kattara (face=F0019 漣 137 m) et tombent au sud-ouest du Caire sur la dépression du Fayoum (face=F0019 漣 45 m). La côte, d’allure rectiligne, qui borde ces plateaux est pourvue de points d’eau célèbres sur la route des pèlerins et des militaires (Marsa Matrouh, El Alamein).À l’est de la vallée, des montagnes au relief plus accusé constituent le désert arabique, relativement étroit; elles tombent par une côte rectiligne et abrupte, résultant d’un grand escarpement de failles tertiaires, sur la dépression de la mer Rouge et du golfe de Suez. Au contraire, la presqu’île du Sinaï est un bloc triangulaire, soulevé entre la coupure de Suez et celle d’Aqaba, qui porte le point culminant de ces régions orientales, le mont Sinaï, à 2 637 m d’altitude. Un climat naguère plus humide a permis le développement de nombreuses vallées, actuellement sèches la plupart du temps, qui découpent tour à tour les roches volcaniques violemment colorées et les grands plis en arc des couches jurassiques et crétacées, orientés du sud-ouest au nord-est.2. Le Nil et sa valléeLe Nil, ce fleuve miraculeux divinisé par les anciens Égyptiens et dont le mystère des sources ne fut percé qu’au XIXe siècle, coule sur plus de 3 000 km à travers le désert; eaux du Nil blanc qui vient du pays des lacs et reçoit des pluies équatoriales abondantes toute l’année, eaux du Nil bleu descendant des montagnes d’Éthiopie et gorgé des pluies de la saison humide qui va de la fin de mai au début de septembre. Le mécanisme de cette crue intriguait fort les Anciens. Le changement de débit est très régulier et la montée des eaux était repérée au Caire entre le 8 et le 10 juin. D’abord coulaient les eaux vertes du Nil blanc, puis les eaux brunes du Nil bleu chargées des poussières volcaniques des montagnes d’Abyssinie et constituant environ les quatre cinquièmes des eaux de la crue. Celle-ci culminait au début de septembre et durait jusqu’en octobre.Traditionnellement, ce sont ces hautes eaux qu’on utilisait pour l’irrigation: elles envahissaient toutes les terres basses, s’infiltrant dans les larges crevasses qui fendaient les alluvions noires et desséchées, déposant le limon fertile et n’épargnant que les villages construits sur des digues ou de légères élévations. En octobre, les eaux se retiraient et les semailles commençaient aussitôt, préparant les moissons d’avril ou de mai. Mais, depuis le XIXe siècle, ce phénomène naturel a été profondément transformé par l’homme. Tout d’abord, sur l’initiative des Anglais, des digues ont été construites; des canaux d’irrigation nombreux et profonds, les rayas, ont été creusés; des barrages de retenue élevés sur tout le parcours du fleuve, à Esna, Nag Hammadi, Assiout, Zista et en aval du Caire. Mais le plus grand ouvrage, commencé en 1957, a été achevé en 1971; construit à 7 km en amont d’Assouan où il remplace un ancien barrage, il peut emmagasiner dans le lac Nasser, qui s’est formé en amont, des réserves d’eau d’une année à l’autre, permettant ainsi d’atténuer les conséquences des périodes de sécheresse qui se sont multipliées au cours de ces dernières années. Les travaux ont été titanesques; ils ont duré dix ans et les Russes y ont largement participé, aussi bien par leurs techniciens que par leur appui financier. Ce barrage permet non seulement de continuer à irriguer les 3 500 000 ha fertilisés jusqu’ici par la crue naturelle, mais d’accroître en outre les surfaces de terre arable de 30 à 40 p. 100 pour l’ensemble de l’Égypte. Un accord a été signé entre cette dernière et le Soudan, au terme duquel celui-ci pourra disposer d’un tiers des eaux du barrage. Les 70 000 Soudanais qui vivaient dans la vallée recouverte par la montée des eaux en amont de Ouadi Halfa ont été transférés, tandis que certains sites archéologiques étaient rapidement fouillés ou entièrement déplacés, comme les célèbres temples d’Abu Simbel. Une puissante centrale électrique bénéficie également des eaux du barrage. La ville d’Assouan a subi une transformation spectaculaire: de 30 000 habitants en 1952, elle est passée à 195 000 en 1989. Une importante usine d’engrais y a été implantée. Le lac Nasser a également été aménagé: cultures et pâturages ont été étendus.Ce changement dans les techniques d’irrigation augmente les surfaces utilisables et rend les récoltes plus assurées, mais il prive les terres de leur fertilisation naturelle par les dépôts de limon et oblige à pratiquer, surtout dans les terres salées du bas Delta, un système de drainage parallèlement à l’irrigation pour éviter l’apparition d’efflorescences salines nuisibles aux cultures.3. La mise en valeur traditionnelleLa vallée offre à l’irrigation des conditions variables. Elle est constituée d’une série de bassins séparés les uns des autres par des barrages rocheux que le Nil franchit par un défilé; ses eaux bondissent au milieu des blocs rocheux de grès rouge nubien, à la première cataracte, où est implanté maintenant le grand barrage d’Assouan. Les principaux bassins sont ceux de Kom-Ombo, valorisé par un canal d’irrigation circulaire et où l’on cultive du blé, de la canne à sucre, du bersim (plante fourragère), des fèves. De grandes sociétés industrielles ont construit des villages modernes, sortes de cubes formés par l’assemblage de briques géométriques, pour abriter la population, installé des voies ferrées pour le transport des engrais et des récoltes, mis en service les premières usines travaillant la canne à sucre. Les bassins de Thèbes, Nag Hammadi et la vallée élargie au-delà d’Assiout ont sensiblement la même organisation et les mêmes récoltes. Le grand bassin d’effondrement du Fayoum (2 000 km2 et plus d’un million d’habitants) est irrigué par une dérivation des eaux du Nil: c’est une oasis prodigieusement fertile avec des vergers où voisinent la vigne, l’olivier, le dattier, l’amandier, l’abricotier, les agrumes, etc., des champs de blé, de maïs, de riz, de coton, de sorgho. C’est à peu près le même paysage que l’on retrouve dans les oasis du désert de Libye.Mais les terres les plus vastes se trouvent dans le Delta, qui est la partie la plus riche et la plus peuplée du pays. C’est une création relativement récente du fleuve qui, à l’ère tertiaire, avait son delta dans le Fayoum et a peu à peu comblé un ancien golfe marin: la mer avançait autrefois jusqu’aux collines de Moqattan, au niveau du Caire. L’épaisseur des alluvions atteint 12,50 m à Qalioub, à la pointe du Delta, et 33 m à Zagazig; le Delta actuel se prolonge par une pente très douce loin sous la mer, ce qui gêne la navigation. Un courant emporte les dépôts de l’ouest vers l’est, protégeant Alexandrie et ensablant Port-Saïd. Le littoral du Delta est formé de lagunes et de flèches de sable longues et étroites.Le bas DeltaAuréole de terres stériles large de 50 à 60 km, le bas Delta est souvent formé de terres salées. Par un patient travail d’irrigation et de drainage alternés, on tente de laver les sols et de les mettre en culture en implantant d’abord du petit millet et du riz puis du bersim et, au bout d’une quinzaine d’années, du coton. Les frais sont élevés et la main-d’œuvre rare; la population, très peu nombreuse (10 hab. au km2), est constituée surtout par des immigrants issus des régions surpeuplées de Haute-Égypte. Le régime de Nasser a tenté d’introduire une véritable colonisation, notamment dans la région orientale, en direction du canal de Suez.Alexandrie a pratiquement le monopole du commerce extérieur égyptien et son activité reflète le niveau de la prospérité nationale. C’est un grand foyer culturel: sa bibliothèque fut la plus célèbre de l’Antiquité. C’est un centre industriel important: textile, industrie d’armement, acierie, pétrochimie, construction mécanique et navale, industrie alimentaire, etc. La ville qui comptait 100 000 habitants en 1850 en avait 5 millions en 1991. Le port est le premier du pays: il s’étend vers l’ouest, relayé par un nouveau port à Dikheila et par une ville nouvelle qui devrait compter un million d’habitants à la fin du siècle. Il est lié par voie ferrée au Caire, par le canal Mahmoudiah au Nil et par un chenal de 13 m de profondeur à la mer.Le trafic annuel est de 10 millions de tonnes: les importations sont essentiellement constituées de produits chimiques, de constructions électriques et de produits alimentaires; les exportations, de coton et de pétrole, mais les produits manufacturés progressent (moins de 10 p. 100 du total des exportations dans les années 1950 et près de 50 p. 100 dans les années 1990). Les autres ports du delta, tel Damiette, sont en train de se développer et de se moderniser.Le haut DeltaAu sud d’une ligne passant par Delingat, Dessouq, Mansourah et Bilbeis, le haut Delta a sans cesse été exploité depuis l’Antiquité. Bien irrigué, doté de terres fertiles, il est littéralement surpeuplé. Les exploitations y sont minuscules, mais sous l’impulsion des villes nombreuses, l’agriculture a fait de grands progrès (développement de l’utilisation des engrais chimiques, pénétration de la mécanisation, abandon des vieilles cultures traditionnelles remplacées par la production plus spéculative du coton). Celui-ci occupe à peu près le tiers des terres dans la partie centrale où il voisine avec le blé, le maïs, les fèves, les vergers, tandis que, vers l’est, l’abondance des sables a favorisé les arachides, le henné et les palmiers-dattiers. Aux environs du Caire se sont développées les cultures maraîchères. Pas un centimètre carré de terre n’est perdu. Les villages sont nombreux, faits de petites maisons cubiques de briques crues ou cuites. Les villes, d’abord marchés ruraux, puis centres industriels grandissent rapidement (Mehallah El Kubra, 390 000 hab. avec une industrie textile; Tantah, 375 000; Mansourah, 360 000; Zagazig, 275 000). Mais c’est à la pointe du Delta que se trouvent les deux plus grandes cités: Gizèh (1 500 000 habitants) et la capitale, Le Caire (officiellement 6 400 000 hab., mais en réalité l’agglomération dépasse 12 millions); non loin de l’antique Memphis, ensevelie sous les alluvions du fleuve, les Arabes ont créé Le Caire («La Victorieuse»), dont les fortifications remontent à 969. Centre militaire, carrefour de pèlerinages, marché commercial, la ville a prospéré et les grandes industries se multiplient (sidérurgie et cimenteries d’Hélouan, industries chimiques, textiles, alimentaires, raffineries, manufactures de cigarettes). La ville arabe est à l’est, les quartiers modernes à l’ouest et la banlieue fortunée s’étend vers le nord-est (Héliopolis).4. Les efforts pour construire une économie moderneUn fait pèse lourdement sur l’économie égyptienne: l’énorme accroissement de la population qui comptait 2,5 millions d’habitants vers 1800, 14 millions en 1930 et qui a dépassé les 54 millions en 1991. Cela est dû à une natalité qui reste élevée (30 p. 1 000) mais a cependant diminué (plus de 43 p. 1 000 à la fin des années 1960) et à une mortalité qui, tout en restant forte, a sensiblement baissé (25 p. 1 000 en 1946; 9 p. 1 000 en 1991). Il en résulte un taux d’accroissement naturel de 30 p. 1 000 environ. Or la superficie des terres cultivables ne représente que 5 p. 100 du territoire national et il faut encore la diminuer de 10 000 ha chaque année pour la construction de logements qui demeure cependant nettement insuffisante. On a lancé une vaste campagne pour peupler le désert occidental partout où les nappes phréatiques peuvent permettre l’irrigation. Jusqu’à ces grands travaux d’irrigation, le milieu naturel a offert bien peu de possibilités nouvelles, si bien que la misère était considérable: en 1950, le revenu individuel n’était que les trois cinquièmes de celui de 1913; la consommation par tête des trois grandes céréales (blé, maïs et riz) était passée de 188 kg en 1938 à 160 en 1950. À cette même époque, 1 p. 100 des individus disposait de 37 p. 100 du revenu. C’est dans ces conditions que, le 22 juillet 1952, l’armée égyptienne prit le pouvoir avec le but avoué de «réformer le pays».Depuis lors, des efforts ont été faits pour construire une économie moderne, mais de nombreuses faiblesses demeurent. Il existe des problèmes de main-d’œuvre. On compte, selon les sources, de 20 à 30 p. 100 de chômeurs, 3,2 millions de personnes sont fonctionnaires et peu productives. Les pouvoirs publics sont en faveur de l’émigration afin de réduire le suremploi dans l’administration et le secteur public et d’atténuer le chômage. Près de 2 millions d’Égyptiens travaillaient dans les pays arabes et rapatriaient près de 3 milliards de capitaux par an. Et cette émigration, qui a été désorganisée par le conflit du Golfe, provoquait aussi une grave pénurie de personnel qualifié dans certains secteurs de l’économie nationale (professeurs, médecins, etc.). L’agriculture fournit encore 36 p. 100 des emplois, l’industrie 13,5 p. 100 seulement. La part de l’emploi industriel a doublé en quarante ans mais la progression actuelle est lente.La capacité d’investissement de l’Égypte dans l’économie a été fortement réduite par l’importance des dépenses militaires et la fermeture temporaire du canal de Suez. En outre, le retard technologique est resté considérable. L’Égypte est donc fortement endettée depuis les années cinquante et doit faire appel à l’aide internationale. En 1990, l’endettement extérieur était évalué à 50 milliards de dollars, soit 140 p. 100 du P.N.B. Mais l’attitude de l’Égypte dans le conflit lui a valu des avantages de la part des pays occidentaux et la dette est passée à 25 milliards en 1991. Cette dette comprenait les dépenses pour du matériel militaire, longtemps fourni exclusivement par l’U.R.S.S. puis ensuite par les États-Unis, qui sont devenus les principaux créanciers, suivis par la république fédérale d’Allemagne, la France et le Japon. Le taux d’inflation, qui avait atteint 30 p. 100 en 1980, est tombé aux alentours de 15 p. 100. Mais le niveau de revenus moyens reste très bas et la répartition est encore fortement inégalitaire.L’agricultureL’économie égyptienne reste encore fondée sur l’agriculture, bien que la part de celle-ci dans le P.I.B. soit en diminution: 27,6 p. 100 en 1977, 19 p. 100 en 1990.Le 8 septembre 1952, dès le début du nouveau régime, la réforme agraire fut promulguée. Elle limite l’étendue des propriétés et redistribue le sol ainsi récupéré en petits lots. En 1962, environ 2 millions de personnes en avaient bénéficié et 9 p. 100 seulement des terres cultivées avaient été touchées par la loi. La multiplication des coopératives, la réglementation des droits de fermage, l’opération de propagande montée dans la province de la Libération (13 000 colons sur 4 000 ha conquis sur le désert), le développement de la formation technique et sociale sont autant d’efforts de l’État pour améliorer la condition des ruraux. La transformation des techniques et le développement de l’irrigation ont permis d’accroître le revenu agricole. Cependant, à cause de la très forte croissance démographique, la production ne suffit à satisfaire que 60 p. 100 des besoins de la consommation. Aussi faut-il toujours améliorer les semences, augmenter l’irrigation, accroître la mécanisation ainsi que la production d’engrais et d’insecticides. 500 000 ha dans la vallée du Nil et dans le delta attribués à 240 000 fermes familiales sont concernés par ce programme national de bonifications, financé en partie par un prêt de la Banque mondiale. Un grand projet existe pour développer l’irrigation dans le Sinaï à partir de la branche orientale du Nil, grâce à un transport d’eau en partie souterrain.Entre 1975 et 1990, la production de blé (4 millions de t) a doublé; celles de maïs (3 750 000 t), de sucre (960 000 t) ont progressé de 50 p. 100 au cours de la même période; celle de riz, après avoir doublé entre 1955 et 1970, plafonne depuis (2 700 000 t). Celle de coton, réputé pour la qualité de sa fibre, a connu des fluctuations (530 000 t en 1980; 310 000 en 1990). Le coton est de plus en plus transformé sur place et exporté sous forme de filés ou de tissus. L’Égypte est encore le huitième producteur mondial d’agrumes (1 798 000 t: production quintuplée depuis 1955). On cherche également à développer les agro-industries qui concernent les céréales, le coton, le sucre de canne et de betterave, les légumes, les fruits, le raisin, l’arachide, les produits animaux. Le cheptel bovin est insuffisant (à l’exception des buffles); les ovins ont doublé depuis 1975.L’industrieLe nombre des ouvriers avait déjà doublé au cours de la Seconde Guerre mondiale et le nouveau régime du colonel Nasser, issu de la «révolution» de 1952, fit porter ses efforts sur le développement du secteur industriel. Il mit en place un système économique administré par l’État au moyen d’une planification générale, de nationalisations (juill. 1961) et d’un secteur public dominant. L’accent fut mis sur l’industrie de production de biens intermédiaires (sidérurgie) et de biens d’équipement. À partir des années soixante-dix, le président Sadate mena une politique de «libéralisation économique» dont les grands axes furent l’appel aux investissements étrangers et arabes et la création de zones franches (juin 1974), la réactivation du secteur privé égyptien, la réorganisation du secteur public et la libéralisation du commerce extérieur. Aujourd’hui, le secteur public contrôle 61,5 p. 100 de la production industrielle qui est en pleine reconversion. Le gouvernement favorise une industrie de substitution d’importation capable d’exporter. L’industrie fournit maintenant le quart du P.I.B., grâce surtout au développement du secteur pétrolier. Le premier forage avait été fait, en 1911, sur les bords de la mer Rouge, à Hurghada, mais, malgré de nombreux sondages, la production était restée longtemps faible. Elle a fait un bond prodigieux à la fin des années soixante (11 500 000 t en 1968) et, depuis, elle a encore été multipliée par quatre. 45 millions de tonnes ont été produites en 1990 (en légère augmentation), alors que la production de gaz naturel atteignait 8 890 000 tonnes, soit 12,8 p. 100 d’accroissement. La réévaluation des réserves pétrolières ainsi que les nouvelles découvertes permettront de couvrir les besoins pendant une vingtaine d’années. Les principaux gisements se situent près du golfe de Suez, sur les rives de la mer Rouge (Morgan, July et Ramedan) ainsi que dans l’ouest du Sinaï. On a découvert de nouvelles sources dans le golfe de Suez et en Méditerranée (au large de Damiette). L’Égypte n’adhère pas à l’O.P.E.P. Un oléoduc Suez-Méditerranée, qui aboutit à 27 km à l’ouest d’Alexandrie, le Sumed, a été achevé en 1977. Plusieurs raffineries ont été construites à Suez, à Alexandrie et au Caire (capacité totale de raffinage 26 200 000 t). Une compagnie internationale et l’État égyptien sont associés pour la mise en valeur des gisements. Du gaz naturel est aussi exploité dans le nord du Delta et on en a découvert dans le désert occidental.La production d’électricité atteint 32 milliards de kWh en 1990 avec la construction de centrales thermiques et surtout avec la réalisation du haut barrage d’Assouan (un cinquième de l’électricité hydraulique). Cependant, ces efforts se révèlent insuffisants pour les besoins de la consommation industrielle. De grands projets concernent l’énergie nucléaire qui devrait fournir la plus grande partie de l’énergie électrique dans les années quatre-vingt-dix, devançant l’hydraulique et le thermique. Parmi les richesses minières, on exploite également des phosphates au bord de la mer Rouge et à Abou Tartour dans la Nouvelle Vallée (réserve d’un milliard de tonnes), du manganèse, du sel marin, quelques petits gisements de minerai dont le fer d’Assouan et celui, plus riche, de l’oasis de Bahria qui alimente la sidérurgie du Caire (ce complexe géant équipé par l’U.R.S.S. fonctionne depuis 1971); mais la production d’acier (2 100 000 t) demeure insuffisante. De l’uranium a été découvert dans le désert oriental.Les autres principaux secteurs industriels sont les textiles (on fait appel à la technologie avancée des firmes occidentales sous forme d’associations), l’automobile (en pleine expansion), les industries mécaniques et électriques, les industries chimiques et les industries alimentaires. Le degré de diversification de l’industrie égyptienne paraît remarquable en comparaison avec les pays voisins.5. Le rôle du canal de SuezCe canal sans écluse, long de 161 km, à l’origine large de 120 m et profond de 12 m, est une des principales voies du commerce international. Il a été ouvert en 1869; son trafic, malgré les péripéties liées aux guerres, croissait sans cesse. Le 26 juillet 1956, Nasser annonça la nationalisation du canal qui devait normalement revenir à l’Égypte en 1968. Depuis, il a connu une activité variable. Pourtant, le tonnage est passé de 61 millions de tonnes en 1949 à 148 millions en 1959 et à 273 millions en 1991. En 1966, la part du pétrole représentait 73 p. 100; elle est tombée à 29 p. 100 mais le courant sud-nord est toujours environ quatre fois plus important que le courant inverse. Le Royaume-Uni était en tête des utilisateurs, bien que sa part diminuât progressivement. En 1966, pour le dixième anniversaire de la nationalisation, le canal avait fourni plus de la moitié des revenus invisibles de l’Égypte contre un tiers en 1956. Sa fermeture, à la suite de la guerre de Six Jours, a porté un coup très rude aux finances égyptiennes, aussi bien qu’à l’activité des transports internationaux méditerranéens. Le canal a été réouvert en juin 1975 et il a fait l’objet de travaux d’amélioration (160 m de largeur, 20 m de tirant d’eau), afin de pouvoir accueillir des navires de 260 000 tonnes à pleine charge. Il a rapporté 1,2 milliard de dollars en 1990 à l’État égyptien. On a également aménagé ses abords: construction de nombreuses usines, développement de cultures irriguées, implantation de villages touristiques pour exploiter les plages sur la mer Rouge et la Méditerranée. Les villes de cette zone participent au développement actuel: Suez (265 000 hab.), Ismaïlia (236 000) et Port-Saïd, à l’entrée du canal, où un nouveau port a été construit (382 000 hab.).6. Le bilan économiqueDans la composition du P.N.B., on trouve à peu près à égalité l’agriculture (15,9 p. 100), l’industrie (15,5 p. 100), le pétrole (14,7 100). Les principales ressources en devises proviennent des exportations de pétrole (33 p. 100), des droits du canal de Suez (14 p. 100), des exportations de coton (5 p. 100), des revenus touristiques (5 p. 100), des transferts des émigrés (43 p. 100).L’économie égyptienne offre donc un bilan économique varié par la diversité de ses ressources. Cette variété a été encore renforcée par la situation territoriale du pays et par sa position de carrefour entre le monde occidental et le monde socialiste. Son rôle pendant la guerre du Golfe, comme son attitude dans les relations entre Israël et le monde arabe en sont un témoignage. La balance du commerce extérieur reste déficitaire, mais la balance des paiements enregistre des excédents grâce à l’aide internationale, aux revenus du tourisme, aux envois des expatriés et au trafic du canal.
Encyclopédie Universelle. 2012.